Cette recette n'est pas de cette année. Ceux qui me suivent sur FB savent que ce fût le plat de Noël 2016.
Au-delà de la pâtisserie, j'aime la cuisine, et j'aime surtout la cuisine traditionnelle française (et oui il n'y a pas que la cuisine asiatique à la maison :o)).
Parfois il m'arrive d'ouvrir de vieux livres, je dirais même plus de vieux grimoires culinaires, et de rêver à ces recettes d'un autre temps. Et puis parfois, j'ai comme ici, envie de m'essayer à la technique. A ces recettes qui prennent du temps, qui demandent de la patience, et que l'on ne fait plus à la maison. Faute de temps, d'envie... ou autres excuses qui remplissent les caddys de plats tout fait chez certains.
Vous me direz que pour ce type de recette autant aller dans les restaurants dont ce type de plat est une référence. Oui c'est vrai, mais l'intérêt d'une telle recette pour moi n'est pas que gustative. Et là d'autant plus, que je ne suis pas une fan de ce type d'animal, j'entends nos amis à grandes oreilles.
Mais alors pourquoi faire ce type de recette ?
Et bien pour la technique. Autant j'aime la pâtisserie, parce que j'aime la faire et la manger, autant j'aime la cuisine lorsqu'elle est technique. Technique, mais faisable, j'entends que je ne suis pas fan de cuisine moléculaire ou semi-moléculaire, ni de la cuisine qui ressemble plus à une oeuvre d'art qu'à un plat à manger.
J'aime aussi découvrir des recettes traditionnelles, qu'on a perdu dans les familles ou qu'on ne fait pas ou plus.
Attention : Pour les âmes sensibles, les vegans, les végétariens, les L214... passées votre chemin. Ne déroulez même pas la recette pour voir le pas-à-pas.
En effet, cette recette nécessite de vider, récupérer le sang et certains organes, et de désosser un lièvre. Sans sang pas de lièvre à la royale.
Je vais donc montrer quelques photos de la découpe... qui pourrait vous déplaire, mais aideront ceux qui voudraient se lancer dans l'aventure de cette recette d'un autre temps.
Maintenant personne ne vous oblige à en manger ou même à faire la recette. Vous pourrez repasser à un prochain billet :o)
Et oui, autant que ce soit moi qui l'écrive : la préparation va être gore, sanglante, beurk... Bref, je précéde les commentaires sans utilités de certains. Et oui, c'est aussi ça la cuisine.
Ceci étant dit. Pour ceux qui restent, voici la petite histoire de cette recette mythique d'un autre temps, et que certains chefs remettent au goût du jour régulièrement malgré tout.
Le lièvre à la royale est une recette très ancienne de la cuisine française, un classique très appréciée à l'époque du roi Louis XIV. C'est Menon qui en 1775 décrira cette recette pour la 1ère fois dans « Les soupers de la cour ». Autant dire que la recette ne date pas d'hier !
Marie-Antonin Carême "le cuisinier des rois et le roi des cuisiniers" faisait le lièvre à la royale façon dodine de lièvre avec une sauce épaissie au sang, dont il régalait Talleyrand et ses invités. On peut lire parfois que c'est la méthode périgourdine.
Mais il existe aussi la version de lièvre à la royale du Sénateur Aristide Couteau, publiée en 1898 qui ressemble à une daube ou civet de lièvre. La recette est plus simple, on l'a fut une époque traitée de paysanne, car beaucoup moins technique puisque le lièvre est coupé en morceaux, et la chair effilochée mêlée à une purée de foie gras afin d’être dégusté "à la cuillère". On dit que c'est une recette poitevine.
On croyait la recette perdue... mais c'est sans compter sa remise au goût du jour par Paul Bocuse en 1967 à l’occasion d’un célèbre dîner du "Club des Cent". Depuis on trouve parfois à la période des fêtes, cette recette à la carte de certains restaurants de grands Chefs.
Pour ma part, c'est le lièvre à la royale méthode Marie-Antonin Carême que j'ai reprise ici, en suivant la recette du Chef Sébastien Gravé chef du restaurant Pottoka (Paris), et en m'aidant de la technique du Chef Gérard Garrigues.
Il vous faudra plusieurs jours pour faire cette recette. Patience et longueur de temps :o), car c'est une recette qui prend du goût par sa maturation. En principe, le Chef Sébastien Gravé ne laisse son lièvre mariné que 24 h - moi pour des raisons pratiques, je l'ai laissé mariné 48 h.
A noter que certains chefs laissent le lièvre mariné plusieurs jours, comme le Chef Manuel Martinez, chef 2 étoiles du Relais Louis XIII, MOF, ancien chef de la Tour d'Argent, qui prépare son lièvre à la royale sur 1 semaine.
C'est comme je le disais au début de ce billet, une recette qui prend du temps. Le résultat n'en est que meilleur.
Lièvre à la Royale

Pour 8 à 10 personnes
Ingrédients
1 beau lièvre (entier avec son sang et ses entrailles - si vous demandez à votre boucher, volailler de le préparer sur qu'il vous récupère le sang et les abats : foie, coeur, ...)
2 dl d’Armagnac
6 c. à soupe d'huile d'olive
du thym serpolet frais - à défaut un thym sec qui vous plaira
1 foie gras cru de canard
3 litres de vin rouge assez corsé type Cahors ou Madiran
300 g de lard gras coupé en petits dés
1 kg de chair à saucisse
2 dl d’Armagnac
1 dl de Cognac
quelques baies roses
du poivre noir en grains
des baies de genièvre
sel fin
poivre du moulin
1 à 2 c. à soupe de farine
Huile d’olive
2 gousses d'ail dégermées et hachées
6 échalotes émincées finement
2 carottes coupés en petits dés
2 oignons coupés en petits dés
1 bande de barde de porc pour enrober le lièvre avant la cuisson
2 c. à soupe de farine
1 c. à soupe de concentré de tomates
Une grande bande velpeau
3 jours avant
Ouvrir le lièvre en partant du bas jusqu'au côtes et enlever les entrailles.
Faire attention de bien nettoyer la partie inférieure - et oui il reste des excréments.
A ce stade, il n'y a pas de sang et c'est normal, le sang se trouve au niveau des abats plus haut.

Par la suite il faut retirer les poumons, le foie, le cœur et les rognons.
C'est là que se trouve le sang, il est donc recommandé de retirer ces organes au dessus d'un grand récipient,
afin de pouvoir récupérer le sang.
C'est là aussi où l'opération devient assez gore !
Mettre les abats et le sang dans un récipient.
Réserver filmé ou dans un récipient fermé au réfrigérateur.

Désosser ensuite le lièvre à plat à l'aide d'un petit couteau bien aiguisé,
en faisant attention de ne pas trouer la membrane qui maintient les rables ensemble.
L’objectif est d’obtenir un rectangle afin de pouvoir farcir le lièvre.

Récupérer les os, qui vont permettre de faire le fond de sauce.

Bien étaler le lièvre sur une plaque de cuisson afin de le faire mariner.
Saler et poivrer.
Badigeonner avec l'Armagnac, de 6 c. à soupe d'huile d'olive. Répartir le thym sur la chair du lièvre.

Filmer bien hermétiquement la plaque et réserver au réfrigérateur entre 24 et 48 h.
On peut apparemment le laisser plus longtemps mariner, Sébastien Gravé le laisse 24 h, mais le Chef Manuel Martinez le laisse 5 jours.
Moi, ce fût 48 h.
Préparer la marinade :
Concasser les os en prenant soin d’enlever la partie de l’arrière train qui n’est pas utilisable.
Eplucher et couper les oignons en morceaux.
Eplucher, laver et couper les carottes en morceaux.
Mettre à mariner les os concassés, 24 ou 48 h (soit le même temps que la viande) avec 2 litres de vin,
et la garniture aromatique
(soit les oignons, les carottes, les baies roses, le poivre en grains, les baies de genièvre, et le thym).

La veille du jour de la dégustation
Faire chauffer de l’huile d’olive dans une sauteuse.
Égoutter les os et les faire colorer dans la sauteuse (environ 10 minutes) puis fariner légèrement.
Rajouter la garniture aromatique préalablement égouttée et recolorer à feu vif.
Ajouter le concentré de tomates, remuer puis déglacer avec un peu d’Armagnac.
Faire flamber.
Mouiller avec le jus de la marinade.
Laisser cuire 2 heures à feu doux sans trop réduire car ce jus servira pour la cuisson du lièvre.

Pendant ce temps préparer la farce
Couper le lard gras en dès.
Dans un cul de poule, mélanger les dés de lard gras et la chair à saucisse.
Saler et poivrer fortement.
Ajouter une pointe de Cognac et la moitié du sang récupéré.

Préparation du lièvre
Sur le plan de travail, étendre le lièvre désossé en rectangle.
Dans le centre du lièvre, étaler une couche de farce puis poser dans sa longueur le foie gras coupé en deux.
Appuyer un peu pour coincer le foie gras entre les deux râbles.
Recouvrer à nouveau d’une couche de farce et refermer les bords du lièvre.
Prendre une aiguille à brider et brider le lièvre avec de la ficelle à cuisson en refermant la viande comme une dodine.

Entourer la dodine de lièvre avec une grande barde de lard de porc
(cela va lui garder tout son moelleux au moment de la cuisson).
Ensuite pour que le lièvre garde sa forme pendant la cuisson,
emmailloter le d’une bande velpeau achetée en pharmacie.

Mettre le tout dans un grand plat allant au four à bord haut.
Recouvrir du jus de la marinade (et si besoin ajouter un peu d'eau) et faire cuire toute la nuit à 110°C (10 à 12 h).
Laisser le ensuite refroidir complétement dans son jus de cuisson.
Sortir le lièvre du jus de cuisson, le désemmailloter et enlever délicatement le gras qui l’entoure.

Rouler le dans plusieurs couches de film alimentaire en serrant bien.
Réserver.

Au moment de servir
Couper le lièvre en tranches de 2 cm, et faites le réchauffer au four (110 °C).

Dans une casserole, faites suer les échalotes, mouiller avec le dernier litre de vin et 4 louches du jus de cuisson du lièvre.
Ajouter les abats.
Faire réduire de moitié, et mixer.
Au dernier moment après avoir réchauffé la sauce, ajouter le sang réservé, hors du feu.
Il va lier et épaissir la sauce et lui donner du brillant.
Dresser la tranche de lièvre au milieu de l’assiette et napper de sauce.


N'hésitez pas à laisser un commentaire pour donner votre avis,
ou liker sur FB ou twitter si ce billet vous a plu.
Tous les textes et photos contenus sur ce blog sont la propriété de Sandrine CHAUVIN alias Macaronette et Cie